(Marchtrenk, 19 avril 2021) Avec le développement de l'Industrie 4.0, et la surveillance des états des composants essentiels, l'immobilisation des installations intralogistiques appartiendra au passé. L'art consiste à optimiser en permanence la disponibilité des installations, insiste le Dr. Maximilian Beinhofer, Head of Cognitive Systems Development chez TGW, le spécialiste de l'intralogistique.
Pourquoi ne pas attendre qu'un composant ne fonctionne plus pour réaliser les interventions de maintenance ?
Dr. Maximilian Beinhofer : Nous parlons dans ce cas de la maintenance corrective. Cette situation implique qu'une machine ou une installation soit en partie ou complètement immobilisée. Ceci signifie une réduction de la disponibilité et, dans certaines circonstances, des conséquences économiques pour son exploitant. Autre problème : Il faut éventuellement d'abord rechercher l'erreur, ce qui coûte un temps précieux.
Mais on peut aussi simplement remplacer les pièces d'usure régulièrement...
Oui, c'est l'objet de l'entretien préventif. Il s'agit alors, en fonction des données acquises avec l'expérience, de déterminer certains cycles de maintenance ou de remplacement. Cette solution garantit une très haute disponibilité de l'installation. Son inconvénient : Une augmentation des coûts liée au fait que certaines pièces sont remplacées alors qu'elles auraient pu encore servir. La difficulté réside dans la détermination du moment idéal, aussi bien pour celui qui ordonne la maintenance que pour celui qui l'exécute. Une bonne solution est apportée par la surveillance des états associée à la maintenance prédictive. En se basant sur ce qu'on appelle des jumeaux numériques, elle représente une des innovations centrales de l'Industrie 4.0.
Comment fonctionne la maintenance prédictive ?
À l'aide de la surveillance par capteurs des états des composants, on peut afficher dans le logiciel si un problème se profile. Et, dans l'idéal, en temps réel ou avec un retard minime. Le cœur de notre approche chez TGW est le suivant : Avec une algorithmique intelligente, c'est-à-dire des méthodes issues du Machine Learning et de la Data Science, nous mettons en réseau et fusionnons judicieusement les données transmises par les capteurs pour pouvoir générer des informations très exactes sur l'état ou l'usure des composants. Une méthode économique, car il est inutile de monter des capteurs supplémentaires.
Avez-vous un exemple pratique ?
Dans notre robot de préparation de commande Rovolution ayant fait l’objet de nombreuses récompenses, nous mesurons l'état du vide dans le dispositif de préhension. Ainsi, nous pouvons détecter immédiatement la baisse de pression induite par des poussières de l'environnement et y réagir sans délai.
Comment faites-vous avec les installations plus anciennes ne disposant pas des capteurs requis ?
Nous pouvons installer des capteurs supplémentaires, par exemple pour la mesure des vibrations. En fonction de la taille de l'installation, le nombre de capteurs requis varie entre quelques-uns et plus d'une centaine, sachant qu'une analyse de rentabilité doit au préalable être réalisée. Fondamentalement cependant, les installations intralogistiques peuvent être équipées a posteriori.
Quelle est la différence entre un entretien prédictif et un entretien prescriptif ?
Les deux approches se complètent. L'entretien prédictif a besoin de la surveillance des états. Ici, il ne suffit pas de savoir si un capteur a réagi ou pas. Il faut connaitre l'avancement de l'usure l'ayant fait réagir. Avec ces données et à l'aide d'un logiciel d'entretien prédictif, nous pouvons faire un pronostic et dire qu'à partir d'une certaine valeur, un composant fonctionnera encore environ trois mois. L'entretien prescriptif permet alors de donner un conseil sur la marche à suivre dans ces trois mois.
Quels sont les principaux avantages de l'entretien prédictif ?
En principe, il s'agit d'optimiser la disponibilité de l'installation à moindres coûts. La boucle de feedback est en outre améliorée en continu. Des algorithmes garantissent que le système auto-adaptatif s'optimise en permanence.
Dans quelles zones est-il intéressant de mettre en place l'entretien prédictif ?
Fondamentalement, partout dans l'installation. Mais les éléments d'interconnexion sont les plus intéressants. Si, par exemple, l'une des dix stations de préparation de commandes n'est plus disponible, il reste à l'installation encore 90 % de sa capacité de traitement. Mais si le système de tri au travers duquel toutes les marchandises passent tombe en panne, cela signifie son immobilisation immédiate.
Quels sont les défis auxquels doit faire face la mise en place de l'entretien prédictif ?
D'un côté, il s'agit de maximiser le levier à moindre coût. De l'autre, au niveau technique, il faut pouvoir utiliser les réseaux de l'installation de manière que les données nécessaires au logiciel d'entretien prédictif puissent être transmises. Les boucles de feedback représentent le troisième défi. Si des problèmes surviennent dans la technologie de convoyage, les techniciens sur place doivent le signaler. En tant que fabricant, nous devons développer des méthodes intelligentes pour que ce retour d’informations soit d'une part immédiate, d'autre part analysable par des machines.
Comment faites-vous ?
Pour pouvoir entraîner les algorithmes, il faut connaitre exactement le moment et l'objet d'une intervention de maintenance. Sinon, le système croit que l'amélioration s'est faite sans intervention externe. Mais ce rapport ne peut pas être un texte libre rédigé par le technicien. Il doit être composé de réponses standardisées sélectionnées dans un menu déroulant, les données devant, pour entraîner le système de Machine Learning, être lisibles en machine. Simultanément, la boucle de feedback doit être simple et facile à utiliser pour que le technicien de maintenance puisse agir rapidement.
Pour quels modules avez-vous décidé de développer l'entretien prédictif ?
Le robot de préparation de commandes Rovolution dispose déjà de la surveillance conditionnelle. Nous développons en parallèle une solution Cloud spéciale pour la collecte et le traitement des données. En principe, il s'agit de collecter à l'avenir toutes les données, de la mécatronique aux services informatiques, tout en respectant bien évidemment les prescriptions relatives à la sécurité et à la protection des données et du RGPD. Nous collectons les données de plusieurs clients. Un nouveau client peut ainsi profiter des données de ceux existant et recevoir du logiciel des conseils sur ce qu'il doit faire pour optimiser son installation. À la fin du processus, nous avons le jumeau numérique. S'il permet de faire des analyses en répétant ce qui s'est passé, il donne aussi les moyens de voir en temps réel ce qui se passe. L'étape suivante est la génération de prédictions.
Comment voyez-vous l'évolution de la demande de solutions d'entretien prédictif ?
Ce sujet est actuellement très en vogue. J'estime que dans cinq à dix ans, seules les installations proposant ce service seront prises en considération par les exploitants. De nos jours, l'utilisation d'un capteur de vibration est déjà standard pour les grandes machines. Dans les installations intralogistiques en réseau à grande échelle, plusieurs stratégies sont encore implémentées.
Les clients voient-ils les atouts de tels services et sont-ils disposés à payer pour en profiter ?
Je pense qu'à long terme, les modèles économiques des contrats de maintenance vont changer. Les nouveaux outils et services offrent des avantages aux clients - et ces avantages seront finalement visibles dans le coût total de possession (TCO). Nous adapterons également nos modèles commerciaux en conséquence.
Merci pour l'interview !